N° de pourvoi : 04-15456
Publié au bulletin

CASSATION PARTIELLE

M. Ancel, président
Mme Marais, conseiller rapporteur
SCP Thomas-Raquin et Bénabent, SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat(s)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Attendu que M. X…, artiste-compositeur-interprète de musique destinée à l’illustration sonore d’œuvres audiovisuelles, a assigné les sociétés Y… et Z…, éditrices, en nullité des trois contrats conclus avec ces dernières, en 1996 et 1997, par lesquels il leur confiait l’exploitation de ses œuvres ; que l’arrêt attaqué (Versailles, 26 février 2004) a accueilli sa demande ;

(…)

Sur le deuxième moyen pris en sa première branche :

Vu les articles L. 132-1, L. 132-11 et L. 132-12 du code de la propriété intellectuelle, ensemble 1134 du code civil ;

Attendu qu’il résulte de la combinaison de ces textes que le contrat d’édition est celui par lequel un auteur cède à l’éditeur le droit de fabriquer ou faire fabriquer en nombre des exemplaires de l’œuvre, selon les conditions, dans la forme et suivant les modes d’expression prévus audit contrat, à charge pour l’éditeur d’en assurer une exploitation permanente et suivie et une diffusion commerciale conformément aux usages de la profession ;

Attendu que pour annuler le contrat d’édition musicale l’arrêt, après avoir rappelé que l’éditeur avait une double obligation, celle d’éditer en nombre l’œuvre destinée à être reproduite et celle de l’exploiter, énonce que “l’article 5 dudit contrat ne pouvait, sans violer les dispositions légales impératives, dispenser l’éditeur de l’une ou l’autre de ses deux obligations qui sont de l’essence du contrat, l’invocation des usages de la profession et de l’évolution des techniques qui concerne seulement les modes de reproduction, étant sans portée et permettant seulement de vérifier les conditions d’exécution de l’obligation d’exploitation permanente“ ;

Attendu qu’en statuant ainsi alors que ne contrevient pas aux dispositions légales susvisées et ne dispense pas l’éditeur de son obligation essentielle d’édition et d’exploitation de l’œuvre, le contrat qui, pour des œuvres destinées à être diffusées sous forme d’enregistrement pour l’illustration musicale, dispense l’éditeur de procéder ou faire procéder à la publication graphique de celle-ci et à son exploitation discographique auprès du public par l’intermédiaire d’une distribution traditionnelle, mais lui fait obligation de faire figurer l’œuvre sur un support adapté à la clientèle à laquelle elle est destinée et d’en assurer ainsi une exploitation et une diffusion conforme aux usages, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Sur le deuxième moyen pris en sa troisième branche :

Vu les articles 1134 et 1135 du code civil ;

Attendu que pour prononcer la nullité du contrat d’édition l’arrêt retient qu’en ne prévoyant de reddition de comptes que pour les seuls exemplaires graphiques, tout en dispensant par ailleurs l’éditeur d’une telle édition, celui-ci se trouvait déchargé de son obligation de rendre compte, ce qui entachait le contrat de nullité ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’aucune stipulation contractuelle expresse ne venait déroger à l’obligation légale de rendre compte qui s’attachait pour l’éditeur à l’exploitation des œuvres d’illustration sonores qui lui était confiée, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Sur le troisième moyen :

Vu l’article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle, ensemble 1134 du code civil ;

Attendu que pour annuler le contrat d’adaptation audiovisuelle, l’arrêt énonce que la clause qui dispense l’éditeur de solliciter préalablement l’autorisation de l’auteur pour accorder le droit d’adapter les œuvres d’illustration musicale destinées à la sonorisation des œuvres audiovisuelles, loin de constituer une simple limitation contractuelle de portée restreinte, porte atteinte au principe d’inaliénabilité du droit moral, l’auteur, par cette clause, étant réputé y renoncer par avance et de façon générale ;

Qu’en statuant ainsi alors que cette clause n’entraînait pas aliénation de la part de l’auteur de son droit moral qu’il pouvait exercer si l’exploitation, autorisée conformément à la destination de l’œuvre, venait à y porter atteinte, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Sur le quatrième moyen :

Vu l’article 1131 du code civil ;

Attendu que pour annuler le contrat dit d’achat de bandes sonores, l’arrêt retient que ce contrat prévoyant la cession matérielle des bandes et des droits voisins de producteur pour une somme symbolique d’un franc, soit une somme dérisoire, est dépourvu de cause, les obligations spécifiques contractées dans le cadre du contrat d’édition, auquel il n’est d’ailleurs pas renvoyé, ne suffisant pas à constituer la contrepartie des supports et de leur droit d’exploitation ;

Qu’en statuant ainsi sans rechercher si, même sans se référer au contrat d’édition, le contrat de cession ne s’inscrivait pas dans le cadre d’une opération économique constituant un ensemble contractuel indivisible, de sorte qu’il ne pouvait être annulé pour absence de cause, la cour d’appel n’a pas donné de base légale au regard du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres griefs,

CASSE et ANNULE mais seulement en ses dispositions relatives à l’annulation des trois contrats, l’arrêt rendu le 26 février 2004, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de M. X… ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille six.