N° de pourvoi : 05-10463
Publié au bulletin

CASSATION

M. Ancel, président
Mme Marais, conseiller rapporteur
SCP Thomas-Raquin et Bénabent, SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

La Cour de cassation, première chambre civile, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 1134 et 1184 du code civil ;

Attendu que Mme Patricia X…, dite Guesch Y…, artiste-interprète, a conclu, le 31 janvier 1987, avec la société Editions musicales César (devenue Editions du félin) un contrat d’enregistrement exclusif par lequel elle s’engageait à enregistrer en exclusivité les oeuvres qu’elle interprétait et cédait la pleine et entière propriété des exécutions, sans exception ni restriction ou réserve, au producteur, étant par ailleurs prévu que resteraient notamment définitivement acquis, même après l’expiration du contrat et de ses suites, au producteur en tant que propriétaire et cessionnaire exclusif, les matrices et tous autres supports ainsi que les droits de reproduction et d’utilisation, sous toutes leurs formes, des oeuvres interprétées par l’artiste ; que par un arrêt irrévocable du 15 mai 1999, la cour d’appel de Paris a prononcé la résiliation du contrat à compter de sa décision, enjoignant au producteur de ne procéder à la publicité des exploitations des enregistrements lui appartenant qu’après en avoir référé à l’artiste et obtenu son accord et lui interdisant la commercialisation du remix réalisé sans son autorisation ; que par acte du 9 mars 2001, Mme X… a assigné les sociétés Editions du félin et Sony music pour atteinte à ses droits d’artiste-interprète, leur reprochant d’avoir commercialisé une compilation intitulée “TOP 50” comportant l’enregistrement de sa chanson “Etienne” sur lequel elle prétendait avoir recouvré les droits d’exploitation en raison de la résiliation prononcée ;

Attendu que pour faire droit à cette demande, l’arrêt énonce que cette résiliation a eu pour conséquence de mettre un terme à la cession des droits consentis par Mme X… au producteur nonobstant les dispositions de l’article 6.02 du contrat précisant qu’à l’expiration de celui-ci le producteur demeurait cessionnaire des droits d’utilisation des enregistrements par lui produits, que du fait de la résiliation intervenue, la société les Editions du félins ne disposait plus des droits d’exploitation tels que définis à l’article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle et que les exploitations commerciales de l’enregistrement “Etienne” sous la forme de la compilation litigieuse intervenue postérieurement à cette résiliation avaient été réalisées en violation des droits de l’artiste ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que la résiliation du contrat d’enregistrement exclusif prononcée par l’arrêt irrévocable du 15 mai 1999 à compter de cette date n’y mettait fin que pour l’avenir et n’avait pas eu pour effet d’anéantir rétroactivement les cessions antérieurement intervenues sur les enregistrements réalisés au cours du contrat, de sorte que, conformément à la volonté exprimée des parties, le producteur était resté cessionnaire des droits patrimoniaux de l’artiste-interprète sur ces enregistrements, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 20 octobre 2004, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Condamne Mme X… aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille six.


  • Doctrine : Y. Naccach, D. 2006, n°34, p. 2404 et s