29juil. 2009
Quelques précisions sur la « licence globale »...
Par E. Mille 15 · article suivant ·
… en réponse au blogueur Autheuil, qui publiait hier, sur Slate, un réquisitoire sur la faisabilité d’un projet de licence légale applicable à l’utilisation de musique sur Internet. Le principe d’une licence légale - ou « globale », ce qui est moins juridique, et donc plus vendeur - consiste, pour la loi, à convertir le droit d’autoriser ou d’interdire que cette dernière reconnait aux auteurs, interprètes, et producteurs en un droit à rémunération. Concrètement, un ayant droit ne pourrait plus interdire l’exploitation de son oeuvre, de son interprétation, ou de son phonogramme sur Internet ; une telle exploitation ne lui donnerait « que » le droit d’être payé en contrepartie (ce qui, par les temps qui courent, serait déjà bienvenu).
[cette licence] concerne tous les catalogues et tous les ayant-droits. On raisonne au niveau mondial, pas au niveau franco-français. Rien que ça, déjà, ça tue le système. Si les majors étrangères refusent le système, elles attaquent en justice et gagnent car cette solution est illégale. Elle viole allègrement le droit de la propriété intellectuelle, en imposant une collectivisation obligatoire des droits de propriété littéraire et artistique. Cela touche autant le droit moral que les droits patrimoniaux.
Le premier argument, tiré de la dimension internationale de la licence concernée, est apparemment le plus pertinent. Les traités OMPI respectivement consacrés au droit d’auteur d’une part, et aux droits des artistes interprètes et des producteurs de phonogrammes, d’autre part, adoptés à Genève le 20 décembre 1996, reconnaissent en effet à chacun de ces acteurs de la création le « droit exclusif d’autoriser » - et donc d’interdire - la mise à disposition de leur oeuvre, interprétation, ou phonogramme sur Internet[1].
Cependant, ces mêmes textes prévoient également la possibilité de convertir ce droit exclusif en un droit à rémunération, notamment pour la diffusion des oeuvres sur Internet[2]. D’ailleurs, le droit français connait déjà deslicences légales, que ce soit en matière de prêt des oeuvres littéraire en bibliothèque (et donc de droit d’auteur) ou en matière de radiodiffusion de phonogrammes du commerce (et donc de droits voisins). L’argument tiré d’une contrariété de la licence « globale » aux engagements internationaux de la France est ainsi inopérant.
Une éventuelle objection tirée d’une violation du droit moral ne résiste pas plus à l’examen. D’abord, parce que la seule prérogative du droit moral susceptible de s’appliquer ici serait le droit de divulgation. Or, ce dernier n’est pas consacré au niveau international, ce qui laisse donc toute latitude au législateur national à son égard, notamment celle d’en réduire ou d’en supprimer l’exercice au regard des oeuvres diffusées sur Internet. Ensuite, parce qu’une licence légale n’est pas en elle-même incompatible avec l’existence comme l’exercice du droit de divulgation : il suffit qu’elle ne s’applique qu’aux oeuvres divulguées. C’est d’ailleurs ce qu’admet d’ores et déjà, implicitement, l’article L. 133-1 du code de la propriété intellectuelle, en ce qui concerne la licence légale applicable au droit de prêt en bibliothèque.
cette licence légale va aussi supprimer toute forme de contrôle de la diffusion d’une oeuvre. Toutes les clés de répartition des droits vont exploser. Je ne vous raconte pas le bazar que cela va causer, vu les tensions qui existent entre sociétés de perception des droits. Car vous n’avez pas que les droits d’auteurs, vous avez aussi les droits voisins… (…) Qui va répartir les droits ? selon quelles clés de répartition ? sous le contrôle de qui ? l’Etat aura son mot à dire. On comprend donc parfaitement que ni les sociétés d’ayant-droits, ni l’ensemble de l’industrie du divertissement aient envie de se lancer dans ce projet. C’est la fin de leur pouvoir si l’Etat est en mesure d’exercer un contrôle sur une part importante de leurs ressources financières. Sans leur accord et leur coopération, rien ne se fera.
Le « bazar » annoncé par Autheuil n’a pourtant rien de certain. Car, si au regard des principes, la conversion d’un droit d’autoriser en droit à rémunération est indubitablement un changement de paradigme[3], force est de constater qu’en pratique, l’exploitation tradtionnelle de la musique - c’est-à-dire sous forme de disques et de diffusion scénique ou radiophonique - revêt sous différents aspects, d’ores et déjà, les traits d’une licence « globale ».
Les auteurs membres de la SACEM[4] lui ont en effet confié la gestion de ceux de leurs droits correspondant aux exploitations principales de leurs oeuvres[5]. C’est donc la SAMCE qui exerce, seule, le « droit d’autoriser » les exploitations en cause. Or, la pratique de cette dernière n’est pas tant de vérifier que l’auteur (ou son éditeur) consente à ces exploitations principales, mais de percevoir le prix correspondant, qu’elle détermine. En d’autres termes, si l’utilisateur se voit oppposer un refus, c’est surtout parce qu’il aura refusé de s’acquitter du prix qui lui est demandé. On est donc d’ores et déjà, de fait, dans l’exercice d’un droit à rémunération.
Pour ce qui concerne les artistes-interprètes et les producteurs des phonogrammes, une licence légale existe d’ores et déjà (art. L. 214-1 du CPI) pour les diffusions radio de ces enregistrements et l’utilisation de ceux-ci dans certains programmes audiovisuels. En revanche, les droits de l’artiste comme de son producteur demeurent « exclusifs » quant à la distribution de supports physiques ou de fichiers numériques, ainsi qu’aux diffusions en streaming. Voila donc l’enjeu : les producteurs et distributeurs d’enregistrements - dont, évidemment, les major - pourraient-ils accepter de troquer leur droit exclusif contre un droit à rémunération, pour les exploitations qui en sont faites sur Internet ? Il y a lieu d’en douter, le droit exclusif offrant théoriquement la capacité de fixer le prix des biens qu’il grève.
Soit, si ce n’est que pour l’heure, le problème n’est pas tant de savoir à quel prix se vendraient les enregistrements musicaux, mais plutôt de tenter de rétablir l’existence d’un paiement, auprès de la majorité des « consommateurs », et notamment des plus jeunes d’entre eux. Autrement dit, le droit de vendre est, en lui-même, un peu chimérique, et pourrait bien le devenir pleinement dans les prochaines années. Par ailleurs, et en ce qui concerne les ventes numériques légales, l’uniformité des prix pratiqués par les plate-formes de téléchargement est telle que la détermination du prix de vente par l’ayant droit ne lui appartient sans doute plus vraiment. Dès lors, si la licence « globale » était un juron il y a encore quelques années, voire quelques mois, la réalité du marché aura peut-être raison des réticences qu’elle suscitait naguère.
Reste les doutes opérationnels formulés par Autheuil : « qui va répartir les droits ? selon quelles clés de répartition ? sous le contrôle de qui ? ». La SACEM, forte de l’importance de son taux de recouvrement, perçoit déjà, pour elle même comme en qualité de mandataire d’autres sociétés de gestion collective, les droits dus aux uns et aux autres, qu’elle reverse ensuite à des sociétés tierces, elles-mêmes en charge de procéder au partage auprès de chaque ayant droit qui en est membre. Elle semble donc toute désignée. Quant aux clés de répartition, celles-ci peuvent s’inspirer tout à la fois des solutions déjà dégagées pour la rémunération équitable ou la copie privée, ou des « usages » contractuels de l’industrie musicale : là encore, la négociation collective ferait son oeuvre.
Les progrès technologiques permettraient même un degré de précision dans les répartitions qui n’a encore jamais été atteint. Derrière un service de communication au public en ligne qui diffuse de la musique, sous une forme ou une autre, et au moins à titre principal, il y a nécessairement une base de données. Un format unique entre la base d’une société de gestion collective et la base des services de diffusion permettrait une reddition des comptes opération par opération, et donc, in fine, un reversement exact à chaque ayant droit. Ce format existe. D’autres outils, notamment de reconnaissance des fréquences diffusées (un genre de gros Shazam, en somme), sont déjà commercialisés par une société dont l’autorité en matière de classement radio n’est plus à établir, et permettent de vérifier les déclarations fournies par les diffuseurs.
Mais alors, pourquoi diable la licence « globale » n’a-t-elle pas encore été mise en place ? Mon hypothèse tient en un mot : l’assiette. Autheuil la développe en ces termes :
cette licence légale ne plait pas plus aux FAI, qui voient là, à juste titre, une taxe sur les abonnements Internet qui aura pour effet d’en renchérir le prix pour le consommateur.
Si la « taxe », qui serait donc l’assiette de la rémunération de la licence « globale » ne peut, par définition, plaire aux FAI, je doute également qu’elle plaise aux ayants droit, qui n’ont pas oublié que la « taxe » pour copie privée n’a que très imparfaitement compensé le préjudice qu’ils estimèrent subir aux premiers temps de sa mise en oeuvre. Plus clairement, quelques euros prélevés sur le compte de chaque abonné reviendraient probablement à faire chuter le prix de la musique encore plus bas que celui atteint par les offres de téléchargement légal, en particulier celles présentées sous forme de forfait. Ajoutons qu’un tel système serait prodigieusement inéquitable, tout internaute n’étant pas ipso facto mélomane, et en tout cas pas dans les mêmes proportions que son voisin. Une « taxe FAI » serait donc la plus mauvaise solution, puisqu’elle ne contenterait ni ceux qui la collecteraient (les FAI), ni ceux qui l’acquitteraient (les internautes), ni ceux qui la percevraient (les ayants droit).
Des pistes d’alternatives se trouvent sans doute dans un système moins approximatif. Ne pourrait-on pas imaginer, par exemple, qu’une société de gestion collective constitue un guichet unique pour toutes les autorisations nécessaires à l’exploitation des enregistrements musicaux, et ce aussi bien sur le net qu’en dehors, d’ailleurs ; que chaque diffuseur, en ligne ou non, soit autorisé en amont à diffuser de tels enregistrements, sous réserve d’un agrément technique lié à la possibilité d’interconnecter ses bases de données avec celle du guichet unique ; que le paiement de la musique sur Internet s’effectue à l’acte, par prélèvement du FAI sur le compte de son abonné et pour autant que ce dernier ait souscrit à l’option correspondante ; et, en contrepartie, que les FAI informent le guichet unique des téléchargements effectués par ses clients sur des plate-formes non agréées ?
Notes
[1] Art. 8 du traité « droit d’auteur », et 10 du traité « droits voisins ».
[2] Art. 8 du traité « droit d’auteur », par renvoi à l’article 11‘’bis’’ 2) de la Convention de Berne ; Art. 15 du traité « droits voisins ».
[3] En ce qu’elle supprime l’abusus inhérent à tout droit de propriété pour n’en laisser subsister que le ‘fructus, soit le droit de percevoir les fruits produits par la chose.
[4] Soit une part non négligeable de ceux qui entendent vivre de leur art.
[5] Soit la commercialisation de disques, la diffusion directe ou indirecte, et dès à présent les exploitations sur Internet.
On se demande bien pourquoi une licence globale ne rémunèrerait que la musique. Et quid du cinéma, des journalistes, voire des blogueurs ou des graphistes qui eux aussi diffusent des oeuvres sur Internet ?
Effectivement, la question se pose - et se poserait - pour l’ensemble de la création, avec plus ou moins de vivacité.
Il est ainsi fort probable qu’une telle solution, si elle devait être adoptée pour la musique, donne des idées à une partie du monde du cinéma, étant toutefois précisé que l’importance de la gestion collective en la matière y est sans doute moins enracinée, d’un point de vue traditionnel, qu’en matière musicale, et qu’elle n’a pas du tout les faveurs des producteurs.
Pour les journalistes, la loi HADOPI 1 a traité la question de leur rémunération complémentaire au titre de la réexploitation de leurs contributions (au moins dans son principe). Il est d’ailleurs intéressant de relever que la logique de la réforme tend à instaurer un droit à rémunération du journaliste en contrepartie de l’abandon de l’essentiel de ses droits exclusifs, au profit de son employeur.
Restent les graphistes et les blogueurs. Pour les premiers, la logique d’une rémunération proportionnelle n’est pas en vigueur dans ce secteur de la création, dès lors que leurs oeuvres sont l’accessoire d’un ensemble plus vaste (par exemple, l’illustration d’un site web). La question pourrait se poser pour les ventes de reproduction d’oeuvres, mais il semblerait que cette activité soit moins aux prises avec le « piratage » que la musique. La question est en revanche particulièrement pertinente pour les photographes. Quant aux blogueurs, là encore, le marché détermine le prix. A ma connaissance, la demande n’est pas encore telle que des blogueurs aient eu l’ambition de monétiser directement leurs écrits, et aient eu à patir dans le même temps de contrefaçons massives…
En d’autres termes, il ne faut pas omettre que la licence globale est proposée en réaction à la violation de droits, et non comme une espèce de paiement obligatoire de toute oeuvre, serait-ce contre la volonté de leurs auteurs.
Sans aucune contreproposition de ma part, je serais curieux de connaître, si cette solution venait à être adoptée, le système de répartition. C’est à mon avis la plus grosse difficulté. La focalisation des débats sur ce sujet dans le cadre des colloques auxquels j’ai pu assister en atteste. Peut être permettra-t-il néanmoins d’avoir un peu plus de transparence que celui des sociétés de gestion collective…
En outre, a priori - mais a priori seulement - c’est le seul modèle économique qui face au bouleversement technologique serait susceptible de préserver la balance des intérêts entre public, auteur et ayants droit (déjà en disant cela je tire un trait sur le couple auteur / amateur opposé au couple ayant droit / consommateur pour le troquer contre une relation à trois. Trois dans une relation, c’est un de trop dirons certains.
Il serait quand même cocasse que la licence globale, jadis proposée par l’opposition (en 2006, soit le PS) si ma mémoire est bonne, sous l’impulsion de sociétés de gestion collective comme la SPEDIDAM et rejetée par la majorité, soit adoptée par cette même majorité ou en tout cas des députés appartenant au même courant politique.
Bref, face à ces enjeux et, histoire de me faire une opinion plus tranchée, il serait grand temps que je trouve un créneau pour lire le dernier ouvrage de Philippe Aigrain intitulé “Internet et création” qui, me semble-t-il, propose un schéma un peu différent de la licence globale.
Le terme de license utilisé dans ce cadre recouvre plusieurs mécansmes.
Il y a d'abord la licence légale, qui met en place, comme vousl'avez souligné, une sorte de guichet unique auprès duquel peuvent contracter tous les exploitants d'oeuvre musicale en ligne selon des conditions publiquement pre definies ( tarifs, condition techniques d'exploitation... ) M Dionis avait proposé un amendement à ce sujet losr de la discussion HADOPI 1 qui a été réjeté. Une telle license ne concernerait que l'exploitation commercial et permettait l'émergence de nouveaux acteurs pour offrir des services de musique en ligne. Par contre une telle approche ne s'adresse absolument pas au partage non commercial d'oeuvres en ligne entre utilisateurs, qui es le sujet de la loi Hadopi. De plus une telle solution, si elle peut être imposée apr la loi comme elle l'est déjà pour les bibliotheques et les radios, ne necessite pas une intervention du législateur et peut se mettre en place de maniere contractuelle ( avec certes des problemes quand à l'accès a la totalité du catalogue ).
Il y a d'un autre cote la license creative/globale, qui vise à introduire dans le champs des exceptions au monopole del'auteur ou de ses ayant droits echanges non commerciaux entre particuliers, en offrant, sous le mode de l'exception copi eprivée, un dédommagement aux auteurs pour cette atteinte à leurs droits. cette solution là présente plusiurs problème. Tout d'abord il supprimerait de facto toute offre commerciale payante de téléchargement de musique, et sans doute à terme toute offre commerciale. Il couterait ensuite extrèmement cher si il devait etre étendue à toutes les oeuvres de l'esprit protégées par le droit de la propriete intelelctuelle, car à coup de 3 à 5 euros pour la musique, le cinema, le livre, le logiciel, l'image la licence globale va présenter prêt de la moitié du coût d'un abonnement internet. l'alternative serait de n'offrir de licence globale que pour la musique et le cinema ( ce qui ferait de l'ordre de 10 euros par mois tout de meme, mais alors se repose le probleme de l'usage des reseaux p2p pour les autres type d'oeuvres. Et fairte passer le message qu'on peut télécharger la musique et les film mais pas les livres ou les logiciels risque d'être assez compliqué.
La licence globale risque bien de rester une utopie pour les deux raisons que tu mentionnes dans ton post :
elle ne pourra pas être obligatoire et devra résulter du choix de l'utilisateur : dans ce cas qu'est ce qui la distingue des plateformes de téléchargement légales ? Eventuellement le prix moins élevé, mais je doute que les artistes soient d'accord. Et on revient au même problème, pourquoi payer, même moins cher, ce que je peux avoir gratuitement ?
Pour contourner ce point, le fai doit avoir des "pouvois de police" (je sais j'exagère) très éloignés de son métier, sinon les utilisateurs continueront à télécharger gratuitement, il faut contrôler l'activité des utilisateurs, sanctionner le cas échéant... Ha zut, c'est Hadopi qui revient.
En fait, dès que l'on dépasse les généralités, on se rend compte que les modalités pratiques sont inapplicables.
Il est toujours facile de critiquer, et ton post à le mérite d'alimenter le débat. J'aimerai avoir des solutions à proposer mais là je sèche.
@dwarfpower
Le second sens de la licence globale que vous exposez n’est pas nécessairement incompatible avec le premier, dès lors que le prix d’un téléchargement à l’acte est arrêté. Si le droit d’autoriser devient un droit à rémunération, la personne qui met en partage un contenu protégé sur du P2P (l’émetteur) ne commet plus d’infraction, sous réserve que cet acte de mise à disposition soit payé par quelqu’un. Il peut l’être par l’émetteur, évidemment, mais la chose ne serait pas cohérente puisque ledit émetteur ne poursuit pas une finalité commerciale. L’acte peut également, et c’est même ce que commande la logique, etre payé par la personne qui télécharge le fichier mis en partage.
Si l’on retient cette seconde hypothèse, rien ne s’oppose à ce que le téléchargement P2P soit inclus dans une licence légale telle que je l’ai décrite, et telle qu’elle correspond à votre première description : il suffit d’organiser la tracabilité des échanges, dans le cadre d’une coopération entre le guichet unique et les FAI. Le problème que vous soulevez quant au prix est quant à lui résolu dès lors que l’on retient une appproche acte par acte, et non un système de paiement forfaitaire.
@bétises
Une licence globale ne se distinguerait pas des offres de téléchargement légal, puisqu’elle rendrait légale l’utilisation du P2P. Cette absence de distinction de nature (quant à la légalité de l’acte) n’exclut pas une différence de degré, fondée non pas tant sur le prix du contenu que le prix du service : un téléchargement pourri sur P2P d’un fichier possiblement mal encodé ou incomplet couterait moins cher que le téléchargement effectué à partir d’une plate-forme, qui fournit une connexion stable, de l‘artwork, etc.
Le pouvoir de police des FAI n’est pas indispensable. La seule nécessité, par rapport aux FAI, serait qu’ils dénoncent les utilisateurs de leur accès qui commettraient des contrefaçons pour ne pas s’être acquittés du paiement instauré dans le cadre d’une licence globale. Une solution moins active de la part des FAI peut également consister à limiter leur engagement à la seule communication de l’identité d’un utilisateur, sur la base de son IP, à l’initiative du guichet unique.
Bien sur, il y aura toujours des geeks pour passer au travers des mailles du filet, mais l’enjeu réaliste n’est pas d’éradiquer toute forme de contrefaçon ; il est seulement de voir le volume des contrefaçons numériques atteindre un taux marginal du volume total des utilisations d’oeuvres.
>>> en contrepartie, que les FAI informent le guichet unique des téléchargements effectués par ses clients sur des plate-formes non agréées.
Non, non et non à la surveillance des réseaux par les FAI.
1) c'est très dur techniquement
2) c'est une intrusion dans la vie privée intolérable
3) que diriez-vous de vous balader avec un mouchard dans votre poche qui reporterait vos déplacements à un organisme d'état. c'est la même chose.
4) Après, allez expliquer aux associations anti-pédophile qu'on trace la copie de mp3 mais pas les autres délits. C'est intenable.
@plop
Des quatre points que vous évoquez, honnêtement, seul le premier m’émeut, puisqu’il a une conséquence directe sur l’efficacité de la norme. N’étant pas suffisamment qualifié au regard de la technique, je laisse cette question sous silence.
L’intrusion intolérable dans la vie privée, en revanche, me laisse de marbre. D’une part, le respect dû à la vie privée n’est pas l’alpha et l’oméga des droits fondamentaux. D’autre part, comme tout droit fondamental, son exercice doit faire l’objet d’un arbitrage lorsqu’il rentre en conflit avec d’autres droits fondamentaux, par exemple de droit de propriété. En substance, la position énonçant la vie privée comme un absolu revient ni plus ni moins à revendiquer le droit de ne pas se faire prendre en train de commettre une infraction.
L’analogie avec le mouchard ne résiste pas non plus à l’examen : il ne s’agit pas de surveiller tous les faits et gestes de chaque internaute sur le web, mais uniquement les transferts publics de contenus protégés. Dès lors que ces transferts s’opèrent par l’intermédiaire d’outils aisément accessibles, le fait que l’internaute soit identifié à partir de ces outils n’induit pas une surveillance de toutes ses activités numériques. Là encore, la question n’est pas de rejeter par principe la tracabilité de l’internaute, mais de faire en sorte que cette tracabilité soit strictement proportionnée à l’objectif recherché.
Enfin, et comme je l’indiquais, il n’est sans doute pas indispensable d’exiger une surveillance active de la part des FAI, mais seulement d’assouplir la rigueur du secret professionnel auquel ces derniers sont astreints par la LCEN. Et pour répondre au coup de pied de l’ane : le problème, avec les contenus pédophiles, c’est qu’ils sont plus difficiles à tracer que les contenus protégés, puisqu’ils sont par nature illicites.
Il n’en demeure pas moins qu’une réflexion sur la collaboration des FAI à la répression des infractions à la propriété intellectuelle pourrait être une occasion bienvenue d’étendre cette collaboration aux infractions autrement plus graves, étant toutefois précisé que les quelques clients ou contacts que j’ai pu croiser et qui sont confrontés à la problématique de la pédophilie n’ont pas attendu de prescriptions légales pour mettre en oeuvre des outils de surveillance relativement développés.
Autant la mise en place d’un systemes d’évaluation comparative des usages est facile à mettre en place juridiquement et techniquement, autant la mise en place d’un système d’identification à l’acte est insoutenable techniquement et juridiquement.
pour le coté technique, n’oublions pas que nous parlons de la majeure partie de la bande passante du web qu’il conviendrait d’analyser et de qualifier. cela fait de l’ordre de 10^10 o/s de bande passante à analyser, sur des protocoles divers et non public, cryptés et non crypté correspondant a plusieurs millions de fichiers différent a analyser, catégoriser, … etc
pour le coté juridique, rappelons tout de même qu’un lien p2p est un lien entre deux personnes, et relève donc jusqu’à plus ample informé du régime de la correspondance privée. Comme on ne peut connaitre la nature d’une communication avant de l’analyser, autoriser l’analyse des trames p2p c’est autoriser l’analyse de toute communication, y compris la correspondance privée. Cela entrainerait d’autre part l’analyse de communication entre la france et l’étranger, pour lesquelles s’appliquent les engagements internationaux de la france. Tout ceci sans parler des problématique de secret légalement protégés qu’ils soient profesionnels, défense, industriels…
L'idée d'un guichet unique n'est pas nouvelle mais elle a toujours échoué - ou à l'inverse elle a tellement bien marché, qu'il existe trop de "guichets uniques" aujourd'hui (SDRM pour les droits mécaniques, SESAM pour les œuvres multimédia, SORECOP pour la copie privée sonore, COPIE FRANCE pour la copie privée audiovisuelle, SPRE pour la rémunération équitable, etc..).
Sur la dimension "internationale" de la la licence globale qui empêcherait sa mise en œuvre, je ne suis pas convaincu. La territorialité du droit d'auteur pose de nombreux problèmes déjà actuellement et on le voit notamment avec le "bazar" des autorisations données par les sociétés de gestion collective en Europe. Le bazar existe et on fait avec. Il faut juste réfléchir un peu plus.
C'est sur la même base que je serai en désaccord avec Authueil: ce n'est pas parce que c'est ou ce serait le bazar que c'est impossible. Le système de la gestion collective est un sacré bazar aujourdhui (il a eu le temps de se forger en 2 siècles).
De plus, que cela concerne "tous les catalogues et tous les ayants droit" importe peu: c'est le cas de toutes les licences légales existantes (copie privée, rémunération équitable, reprographie, etc.). La logique d'une licence légale est différente car elle a pour objet de compenser le préjudice subi autrement. Elle n'a pas vocation à être parfaite; elle limite les dégats autant que possible. En refusant de limiter les dégats au motif qu'il faut anéantir les dégats, on joue à tout-ou-rien, avec un fort risque de n'avoir rien.
Je ne suis pas pour autant en train de dire que la licence globale est la solution. Car le problème majeur des formes de licences globales proposées jusqu'ici est que le système de rémunération et de financement n'est pas pris en compte dans sa globalité: l'exemple de l'industrie cinématographique est plus parlant car l'équilibre et la complexité des schémas financiers du cinéma sont un peu trop particuliers pour être substitués d'un coup de baguette magique par un système de licence légale. Et personne ne semble réfléchir à cela.
Un bon juriste, il me semble, doit faire preuve d'imagination juridique: lorsqu'elle est ingénieuse et rigoureuse, elle accouche de règles qui sont tellement bien pensées et cohérentes qu'elles deviennent évidentes, puis indispensables. Je trouve dommage que les projets de loi soient plus mus par la précipitation que par la réflexion et la maturation des idées.
@dwarfpower
Quant à l’objection technique, je me souviens d’avoir dû appeler le service client d’un FAI pour qu’il me donne le port nécessaire au fonctionnement optimum d’e-mule, afin que je le retranscrive dans mon modem (ce qu’il refusa d’ailleurs de faire, dans un premier temps). Du coup, je suppose que les personnes qui utilisent ce port sont susceptibles d’utiliser un service de P2P. Voila qui réduit le prisme des échanges à analyser. De là, il ne doit pas être sorcier pour un FAI d’établir une liste de ses abonnés utilisant ce port, distinguant ceux qui auraient souscrit à une offre répondant aux conditions d’une licence globale, et les autres. Les contrefacteurs potentiels seraient seulement ces derniers.
A ce stade, il n’est pas nécessaire d’enquêter sur tous les utilisateurs ; dans l’environnement numérique comme « IRL », j’aime à croire que les autorités les plus répressives n’escomptent pas poursuivre 100% des infractions. Par exemple, le FAI peut communiquer au guichet unique la liste des utilisateurs douteux, à charge pour ledit guichet de prendre l’initiative des poursuites contre certains d’entre eux. La peur du gendarme, si elle est réelle, suffisant à décourager le comportement infractionnel de masse.
Cette logique n’a de sens, évidemment, que si elle s’accompagne en contrepoint du développement d’offres légales, serait-ce sous forme de P2P, chaque fichier partagé étant « watermarké » lors de sa mise en ligne (je tente des trucs….)
Quant à la qualification Juridique, je doute que le P2P soit une correspondance privée. Si l’on raisonne sur le modèle e-mule, l’émetteur offre ses contenus à un public indéterminé (tous les téléchargeurs potentiels), et la teneur de leur échange est connue de tous, puisque chacun peut consulter combien de personnes sont en train de s’alimenter à la source, de même que leur adresse IP.
Je ne connais pas le fonctionnement des Torrents, mais par principe, je vois mal comment l’échange ne pourrait pas être précédé d’une mise à disposition aux tiers. A défaut, comment savoir qui propose quoi ?
Quant à la problématique internationale, nous sommes d’accord, la solution ne pourra pas être franco-française. Cela étant, dans la mesure où notre pays est l’un de ceux offrant le degré de protection le plus rigoureux quant aux données personnelles, par définition, une initiative internationale de la France à cet égard, et tendant à réduire le prisme du confidentiel par rapport aux informations du domaine public, ne devrait pas heurter les pays qui ont déjà une conception large de ce dernier.
@FilouBilou
Je suis d’accord avec tout votre commentaire, sous deux réserves près.
1) L’échec du guichet unique : l’énumération que vous faites des SGC exisantes témoigne de ce qu’il n’existe pas encore ;)2) La finalité d’une licence légale. En marge de l’analyse dominante, je me refuse à assimiler à l’indemnisation pour copie privée à une licence légale.
D’abord, d’un point de vue théorique, parce que je vois mal comment une licence - fut-elle légale - pourrait être concédée sur un droit qui n’existe pas, i. e. le droit d’autoriser ou d’interdire une copie privée. Il s’agit là d’une indemnisation légale, qui n’a donc pas vocation à rémunérer l’exercice d’un droit, mais à compenser un préjudice subi à raison de l’exercice d’une exception. En contre-exemple, la rémunération équitable - dans son principe - est une véritable licence légale, son imperfection tenant plutôt aux méthodes de répartition qu’à son fondement juridique, ou à l’assiette de la rémunération retenue. Non ?
L’intérêt de la distinction est évidemment qu’une réflexion normative ne devrait envisager le recours à une « fausse » licence que dans l’hypothèse où la mise en place d’une véritable licence numérique serait matériellement impossible. Et ce second point ne me semble pas évident. Du coup, je vous rejoins sur l’inopportunité de légiférer à la va-vite, pour donner le change aux complaintes de tel ou tel groupe d’intérêt, en suivant le précepte absurde consistant à faire une connerie rapidement plutot que de réflechir à une solution intelligente (la réouverture de la commission du CSPLA sur la mise à disposition des oeuvres sur Internet serait peut-être une idée qu’il conviendrait de souffler au nouveau ministre…).
sur le port : si une application donnée, ou un protocole donné utilise un port par défault il peut très bien fonctionner sur tout port. donc la presomption d’usage de p2p basé sur un n° de port ne vaut que le temps que le systemes s’adapte. pour exemple, skype est une application p2p utilisant de memoire le port 80 i-e celui des protocoles html
sur la correspondance privée. La base du p2p est qu’ils est consitué d’echange strictement pair a pair. seule les deux parties d’une conversation en connaisse le contenu ou l’existence, a moins d’écoutes. Elles rentrent donc dans le cadre de la correspondance privée a priori. Le fait que tout un chacun puisse rentrer en contacte avec vous n’est pas différent du téléphone ou quiconque possède un annuaire peut vous téléphoner, sans que le coup de fil ne perde son caractère de correspondance privé. Je ne dit pas que le statut soit adapté au p2p, mais il est celui ci aujourd’hui; et comme je l’ai fait remarqué, pour savoir si un échange relève d’une correspondance privée ou du p2p, si on sortait ce dernier de ce statut, il faudrait analyser la communication a priori pour la qualifier de privée ou non, ce qui en soit rompt le secret et de memoire la cours de cassation s’est déjà prononcé sur le sujet, affirmant que le secret de la corespondance privée était a priori et ne pouvait résulter du contenu de la correspondance.
Pour le fonctionnement du p2p, vous ne pouvez pas consulter qui télécharge quoi depuis qui, ce que vous pouvez faire c’est avoir la liste des IP/port qui a priori partagent un fichier pour ensuite les contacter individuellement pour entrer en transaction. - Note en passant le coup de fil que vous passez pour repondre a une petit annonce, public, et une correspondance privée.
Pour une remarque de generalisation, les usages du web sont en train de faire sauter la notion de sphère privée, puisque le privée est en train d’absorber une partie de la sphère publique ( p2p, web sociaux … ). Cela va donner du fil a retordre a de nombreux juristes, philosophes et législateur pour effectuer l’adaptation du droit à ce changement de pratique.
@dwarfpower :
Je suis très très preneur de la décision de la cour de cassation que vous mentionnez concernant la correspondance privée. Avez vous de plus amples références?
Pour ma part je ne connais que la définition de la circulaire du 17 février 1988 prise en application de l’article 43 de la loi du 30 septembre 1986, et selon laquelle la correspondance privée s’envisage comme une communication "destinée exclusivement à une ou plusieurs personnes physiques ou morales, déterminées et individualisées", ce qui exclut le caractère privée du P2P... non?
En outre ce n'est pas parce vous faites une correspondance privée, et donc que vous n'atteignez pas le public au sens du droit de la communication, que vous n'en faites pas pour autant une communication au public au sens du droit de la propriété littéraire et artistique.
Autrement dit, il paraît difficile de se dissimuler derrière la notion de correspondance privée pour échapper à toute sanction au titre de la contrefaçon dès lors que vous mettez une oeuvre de l'esprit à disposition du public sans autorisation du titulaire de droit.
Si vous demandez à un expert en informatique s’il est possible de mettre en place un système luttant efficacement contre le piratage sans porter gravement atteinte aux libertés individuelles, celui-ci vous répondra certainement qu’il n’en existe pas.
Et quand bien même un tel système verrait le jour, il sera toujours mis en défaut par d’autres solutions techniques, réponses des pirates à cette répression numérique grandissante.
Alors pourquoi continuer de chercher une solution technique au problème de la protection des droits d’auteurs, quand on sait que la mise en place d’une licence globale même aussi faible que 4€ par mois, génèrerait potentiellement un revenu bien supérieur pour les artistes à celui aujourd’hui issu d’industrie classique ?
http://www.e-nitiativepopulaire.fr/licence-globale
Le droit d'auteur ne doit pas être résumé à un simple droit à rémunération.