N° de pourvoi : 89-13831
Publié au bulletin

REJET

M. Massip, conseiller doyen faisant fonction, président M. Grégoire, conseiller rapporteur M. Lupi, avocat général M. Choucroy, Mme Luc-Thaler, avocat(s)

République française

Au nom du peuple français

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 13 octobre 1988), qu’en 1983, la société X. a mis en vente des vêtements dits “tee-shirts” ornés d’une broderie représentant une chaise longue et un parasol ; qu’en avril 1985, la société Brodesign, se prétendant créatrice de ce modèle de broderie, a exercé contre la société X., devant la juridiction civile, une action en contrefaçon et concurrence déloyale ; que l’arrêt a constaté le caractère original du dessin créé par la société Brodesign et sa reproduction “presque à l’identique” sur les chemises vendues par la société X. ; qu’il a accueilli la demande sur le fondement de la loi du 12 mars 1952, réprimant la contrefaçon des créations des industries de l’habillement et de la parure, et de la loi du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique ; qu’estimant en revanche que la société X. n’avait commis aucune faute distincte de la contrefaçon, la cour d’appel a rejeté la demande en concurrence déloyale de la société Brodesign ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société X. fait grief à l’arrêt d’avoir déclaré établie la contrefaçon invoquée et ordonné des mesures d’interdiction, de confiscation et de publicité, alors, selon le moyen, qu’importateur du vêtement litigieux, elle n’avait pas connaissance de la contrefaçon commise par le fabricant et que sa mauvaise foi ne pouvait être présumée ;

Mais attendu que le créateur d’une oeuvre de l’esprit jouissant sur celle-ci d’un droit de propriété opposable à tous, la cour d’appel a retenu à juste titre qu’au regard du droit civil l’exploitation d’un produit comportant la reproduction d’une oeuvre originale constituait à elle seule une contrefaçon, indépendamment de toute autre faute du contrefacteur ; d’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société X. fait encore grief à l’arrêt de l’avoir déclarée responsable de la contrefaçon du dessin de broderie de la société Brodesign, tout en doublant le montant de l’indemnité réparatrice allouée par les juges du premier degré, alors, selon le moyen, d’une part, qu’il ressort des énonciations de l’arrêt que le préjudice résultant de cette contrefaçon était symbolique et purement moral et que, d’autre part, il n’existait pas de lien de causalité entre cette contrefaçon et “l’atteinte à l’image de marque de la société Brodesign” ou la dépréciation d’un modèle qui n’était plus exploité par elle ;

Mais attendu que la cour d’appel a pu retenir que l’exploitation illicite imputable à la société X. ayant “porté atteinte aux droits d’auteur de la société Brodesign” avait nui, dans l’esprit du public, à la réputation de son activité créatrice ; qu’elle a, par là même, constaté la nature et l’étendue du préjudice réparable qu’elle a ensuite souverainement évalué ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.