N° de pourvoi: 88-11811
Publié au bulletin

REJET

M. Jouhaud, président
M. Grégoire, conseiller rapporteur
M. Charbonnier, avocat général
Mes Choucroy, Barbey, avocat(s)

République française

Au nom du peuple français

Sur le moyen unique pris en ses deux branches :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 19 novembre 1987), que la société Y. a, en décembre 1983, importé de Corée cinq mille mètres d’un tissu qui constitue une reproduction quasi à l’identique d’un tissu dessiné en 1982 par M. X…, lequel a cédé ses droits d’auteur à la société Goutarel ; que celle-ci, se fondant sur les lois du 12 mars 1952 et du 11 mars 1957, a fait assigner en contrefaçon, devant la juridiction civile, la société Y. et la société Z., à qui la première a revendu une certaine quantité du tissu contrefaisant ; que l’arrêt a fait interdiction à ces deux société de vendre les coupes de ce tissu qu’elles pouvaient détenir, et qu’il en a prononcé la confiscation ; que la cour d’appel a, en outre, alloué à la société Goutarel une indemnité, qu’elle a mise à la charge de la société Y. et aussi de la société Z., réformant, de ce dernier chef, le jugement du tribunal de commerce qui avait admis la bonne foi de la société Z. ;

Attendu que ces deux sociétés, demanderesses au pourvoi, font grief à l’arrêt d’avoir retenu à leur charge des actes de contrefaçon et d’avoir prononcé contre elles cette condamnation au paiement d’une indemnité, alors, selon le moyen, d’une part, que si en matière de contrefaçon la mauvaise foi du contrefacteur lui-même doit être présumée, il en est autrement de celle de l’importateur et du revendeur, et qu’en décidant que ceux-ci n’avaient pas rapporté la preuve de leur bonne foi la cour d’appel a inversé la charge de la preuve ; et alors, d’autre part, qu’en ne recherchant pas si la publicité donnée au tissu contrefait ou à tout le moins les rapports antérieurs des parties permettaient de caractériser la connaissance par l’importateur et le revendeur de l’existence du dessin contrefait, et, par conséquent, leur intention de participer à un acte de contrefaçon, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

Mais attendu, d’abord, que la mauvaise foi des personnes qui ont participé à une contrefaçon n’est pas une condition de l’action civile exercée par l’auteur en vue d’obtenir réparation de la perte pécuniaire que lui a causé l’usurpation de son droit de propriété intellectuelle ;

Attendu, ensuite, que la cour d’appel a pu estimer que la société Y., importateur d’un produit étranger, avait l’obligation de “se préoccuper de l’existence de produits protégés sur le marché français” et que, de même, la société Z. devait exiger de l’importateur toutes informations sur l’étendue de ses droits ; qu’elle a ainsi légalement justifié sa décision d’allouer à la société Goutarel une indemnité dont elle a souverainement apprécié le montant ; d’où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.