N° de pourvoi : 07-12244
Publié au bulletin

REJET

M. Bargue, président
Mme Crédeville, conseiller rapporteur
M. Pagès, avocat général
SCP Tiffreau, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu que diverses associations de lutte contre le racisme et l’antisémitisme ont déposé plainte afin de dénoncer l’existence du caractère négationniste du site www.aaargh-international.org, puis saisi en référé le président du tribunal de grande instance de demandes dirigées contre les sociétés OLM LLC et The Planet.com internet, services hébergeurs du site précité, ainsi que contre différentes sociétés fournisseurs d’accès et de services internet (FAI) pour faire interdire l’accès aux sites hébergés aux adresses suivantes : www.vho.org/aaargh, www.aaargh-international.org et www..aaargh.com.mx et ce, pour l’ensemble des abonnés desdites sociétés à partir du territoire français, en application de l’article 6-I-8 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 dite pour la confiance dans l’économie numérique ; que par ordonnances des 20 avril et 13 juin 2005, le juge des référés a rejeté la demande de sursis à statuer du FAI, fait injonction aux sociétés France Telecom services, Free, AOL France, Tiscali accès, Télé 2 France, Suez Lyonnaise Telecom, Neuf Telecom, T Online France, Numericable et au GIP Renater de mettre en oeuvre toutes mesures propres à interrompre l’accès à partir du territoire français au contenu du service de communication en ligne hébergé actuellement à l’adresse www.vho.org/aaargh ;

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt (Paris, 24 novembre 2006) d’avoir confirmé les ordonnances des 20 avril et 13 juin 2005, alors, selon le moyen :

1°/ qu’en délivrant l’injonction critiquée aux fournisseurs d’accès et de services internet la juridiction d’appel des référés a violé l’article 6-I-8 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 tel qu’il doit être interprété à la lumière de l’article 12 de la directive européenne 2000/31/CE dont la loi du 21 juin 2004 n’est que la transposition, comme l’impossibilité de délivrer une telle injonction dès lors qu’existent des moyens de contraindre les fournisseurs d’hébergement à mettre fin à leur hébergement du site illicite ou à donner les informations nécessaires à l’identification de l’éditeur du site ;

2°/ qu’en décidant de faire injonction aux fournisseurs d’accès et de services internet « de mettre en oeuvre toutes mesures propres à interrompre l’accès à partir du territoire français au contenu du service de communication en ligne hébergé actuellement à l’adresse www.vho.org/aaargh » et en disant que chacun d’eux devra justifier auprès des demandeurs, dans le délai de dix jours faisant suite au prononcé de la décision, des dispositifs précisément mis en oeuvre à la fin demandée, tout en reconnaissant que les mesures prises seraient nécessairement inefficaces, c’est-à-dire sans que soit déterminé le contenu exact de l’injonction ainsi prononcée, la juridiction d’appel des référés a violé l’article 12 du code de procédure civile ainsi que l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme garantissant le procès équitable en relation avec l’article 1er du 1er protocole additionnel, ensemble l’article 6-I-8 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 tel qu’il doit être interprété à la lumière de la directive européenne 2000/31/CE ;

3°/ qu’en faisant injonction de mettre en oeuvre toutes mesures propres à interrompre l’accès à partir du territoire français au contenu du service de communication en ligne hébergé actuellement à l’adresse www.vho.org/aaargh sans limiter dans le temps la validité ni les effets de cette mesure, quand il lui incombait de juger que celle-ci serait caduque, faute pour les associations d’avoir justifié dans tel délai de l’engagement d’une action au fond tendant à la condamnation des hébergeurs identifiés à empêcher toute mise à disposition à partir de leurs serveurs et sur le territoire français du site internet de l’AAARGH, voire d’une constitution de partie civile à l’appui de la plainte pénale contre X d’ores et déjà déposée à l’effet de saisir de manière effective la juridiction pénale pour identifier l’éditeur du site illicite en vue de prendre à son encontre toute mesure utile d’interdiction, la juridiction d’appel des référés a pris à l’encontre des fournisseurs d’accès et de services internet, à titre principal et en violation du principe de subsidiarité, une mesure indéterminée dans sa portée, inefficace dans ses effets et à caractère définitif, portant ainsi une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté de communication au public par voie électronique, en violation des articles 484 du code de procédure civile, 6-I-8 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

Mais attendu que la cour d’appel a exactement énoncé que si l’article 6-I-2 de la loi du 21 juin 2004, conformément à la directive européenne n°2000/31 qu’elle transpose, fait peser sur les seuls prestataires d’hébergement une éventuelle responsabilité civile du fait des activités ou informations stockées qu’ils mettent à la disposition du public en ligne, l’article 6-I-8 prévoit que l’autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête à toute personne mentionnée au 2 (les prestataires d’hébergement) ou à défaut à toute personne mentionnée au 1 (les fournisseurs d’accès), toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne ; que la prescription de ces mesures n’est pas subordonnée à la mise en cause préalable des prestataires d’hébergement, que c’est à bon droit que la cour d’appel qui n’a méconnu ni le principe de proportionnalité, ni le caractère provisoire des mesures précitées a statué comme elle l’a fait ;

D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les demanderesses aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne ensemble les demanderesses au pourvoi à payer aux défendeurs représentés par la SCP Waquet, Farge et Hazan, la somme globale de 2 500 euros ; rejette la demande des demanderesses au pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille huit.