N° de pourvoi : 05-11789 Non publié au bulletin

CASSATION

M. BARGUE conseiller, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu l’article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que MM. X… et Y…, respectivement auteur et compositeur de la chanson intitulée « On va s’aimer » ont, par contrat du 1er octobre 1983, cédé aux sociétés Televis edizioni musicali et Allione editore les droits d’exploiter directement et d’autoriser des tiers à utiliser tout ou partie de cette oeuvre, paroles et musique ensemble ou séparément, en thème dominant ou secondaire de fond sonore de films, ou de toute représentation, théâtrale, radiodiffusée, télévisée, publicitaire, ou autre encore, même non mentionnée, avec possibilité corrélative d’ajouts à la partition et de modifications même parodiques du texte ; qu’après conclusion de ce contrat, a été diffusé sur plusieurs chaînes de télévision françaises un film publicitaire illustré musicalement par la mélodie de ladite chanson dont les paroles avaient été modifiées à l’effet de promouvoir, sous le titre « On va fluncher », la chaîne de restaurants Flunch ; que, prétendant qu’une telle illustration musicale portait atteinte à leur droit au respect de cette oeuvre, MM. X… et Y… ont assigné les sociétés Universal music publishing et Centenary France, alors détenteurs des droits ainsi cédés, la société Agence Business, commanditaire du film litigieux, la société Madison studio, réalisatrice de celui-ci, et la société Agapes, propriétaire de la chaîne de restaurants Flunch en interdiction de diffusion de ce film et réparation du préjudice né de cette atteinte ; que reprochant à ces sociétés d’avoir aussi porté atteinte à l’intérêt collectif des auteurs qu’il représente, le syndicat national des auteurs et des compositeurs est intervenu volontairement à l’instance pour former à l’encontre de celles-ci une demande en réparation du dommage ainsi causé ;

Attendu que pour rejeter ces demandes, l’arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 28 janvier 2003, Bull n° 28), après avoir, à bon droit, énoncé que le principe d’ordre public de l’inaliénabilité du droit au respect de l’oeuvre s’oppose à ce que l’auteur abandonne au cessionnaire, de façon préalable et générale, l’appréciation exclusive des utilisation, diffusion, adaptation, retrait, adjonction et changement auxquels il plairait à ce dernier de procéder, retient qu’il était constant que M. X… et M. Y… avaient accepté que la chanson « On va s’aimer » fût utilisée à des fins publicitaires, de sorte qu’il leur incombait de démontrer que les modifications apportées à cette oeuvre à l’effet de constituer l’illustration sonore du film publicitaire litigieux portaient atteinte à leur droit moral, et qu’une telle preuve n’était pas apportée ;

Qu’en se déterminant ainsi, alors que toute modification, quelle qu’en soit l’importance, apportée à une oeuvre de l’esprit, porte atteinte au droit de son auteur au respect de celle-ci, la cour d’appel a violé, par fausse application, le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 15 décembre 2004, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles ;

Condamne les défenderesses aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille six.