N° de pourvoi : 08-10194
Non publié au bulletin

REJET

M. Bargue, président
Me Haas, Me Ricard, SCP Baraduc et Duhamel, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches, commun au pourvoi principal et au pourvoi provoqué, tel qu’il figure au mémoire en demande et est reproduit en annexe :

Attendu que MM. X… et Y…, respectivement auteur et compositeur de la chanson intitulée « On va s’aimer » ont, par contrat du 1er octobre 1983, cédé aux sociétés Televis edizioni musicali et Allione editore les droits d’exploiter directement et d’autoriser des tiers à utiliser tout ou partie de cette oeuvre, paroles et musique ensemble ou séparément, en thème dominant ou secondaire de fond sonore de films ou de toute représentation théâtrale, radiodiffusée, télévisée, publicitaire, ou autre encore, même non mentionnée, avec possibilité corrélative d’ajouts à la partition et de modifications même parodiques du texte ; qu’après conclusion de ce contrat, a été diffusé sur plusieurs chaînes de télévision françaises un film publicitaire illustré musicalement par la mélodie de ladite chanson dont les paroles avaient été modifiées à l’effet de promouvoir, sous le titre « On va fluncher », la chaîne de restaurants Flunch ; que prétendant qu’une telle illustration musicale portait atteinte à leur droit au respect de cette oeuvre, MM. X… et Y… ont assigné les sociétés Universal music publishing et Centenary France, alors détenteurs des droits ainsi cédés, en interdiction de diffusion de ce film et réparation du préjudice né de cette atteinte, et formé la même demande à l’encontre de la société Agence business, commanditaire du film litigieux, de la société Madison studio, réalisatrice de celui-ci, et de la société Agapes, propriétaire de la chaîne de restaurants Flunch, lesquelles ont appelé en garantie les sociétés détentrices des droits cédés ; que l’arrêt attaqué (Versailles, 11 octobre 2007), rendu sur renvoi après cassation (1re chambre civile, 5 décembre 2006, pourvoi 05-11.789) a accueilli ces demandes ;

Attendu que l’inaliénabilité du droit au respect de l’oeuvre, principe d’ordre public, s’oppose à ce que l’auteur abandonne au cessionnaire, de façon préalable et générale, l’appréciation exclusive des utilisation, diffusion, adaptation, retrait, adjonction et changement auxquels il plairait à ce dernier de procéder ;

Attendu qu’après avoir exactement retenu que dès lors qu’elle emportait un tel abandon la clause de cession litigieuse était inopposable à MM. X… et Y…, la cour d’appel, constatant que l’adaptation contestée, qui constituait une parodie des paroles de la chanson « On va s’aimer » sur la musique originale de l’oeuvre, dénaturait substantiellement celle-ci, en a déduit, à bon droit, que, en l’absence d’autorisation préalable et spéciale de MM. X… et Y…, une telle adaptation à des fins publicitaires, portant atteinte à leur droit moral d’auteur, était illicite ; qu’elle a ainsi, sans encourir aucun des griefs du moyen, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et provoqué ;

Condamne la société Universal music France et Universal music publishing aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne les société Universal music France et Universal music publishing, ensemble, à payer la somme totale de 3 000 euros à M. X…, à M. Y… et au syndicat national des auteurs compositeurs ; rejette la demande des société Universal music France et Universal music publishing ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril deux mille neuf.