N° de pourvoi : 09-67515
Publié au bulletin

REJET

M. Charruault, président
Mme Marais, conseiller rapporteur
M. Domingo, avocat général
SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu que le philosophe Emmanuel X. est décédé le 25 décembre 1995, laissant pour lui succéder ses deux enfants, Simone et Michaël ; que reprochant à son frère d’avoir conclu seul, le 5 octobre 2007, un contrat d’édition avec la société Editions Grasset & Fasquelle pour la publication des oeuvres posthumes de leur père, en méconnaissance des droits d’exploitation lui revenant en sa qualité de co-indivisaire, Mme Simone X. épouse Y. l’a assigné aux fins de saisie réelle de l’ensemble des exemplaires fabriqués ou en cours de fabrication, sollicitant en outre le rappel de tous ceux d’ores et déjà distribués et la cessation de tout acte de commercialisation ; qu’elle reproche à la cour d’appel, (Paris, 30 juin 2009) de l’avoir déboutée de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que le droit de divulgation est un attribut d’ordre moral du droit d’auteur ayant pour seul objet la première communication d’une oeuvre de l’esprit au public ; que son titulaire n’a pas qualité pour conclure un contrat d’exploitation de l’oeuvre, qui emporte cession du droit de la reproduire ou de la représenter, à laquelle seul le titulaire des droits patrimoniaux, ou, le cas échéant, les co-titulaires indivis des droits patrimoniaux agissant à l’unanimité, peuvent consentir ; qu’en retenant, pour débouter Mme Y. de ses demandes, que seul M. Michaël X., en tant que titulaire du droit moral sur l’oeuvre d’Emmanuel X., pouvait effectuer « le choix des conditions de la publication de l’ensemble de l’oeuvre et, notamment, de l’éditeur qui sera chargé de publier » et que Mme Y., en tant que titulaire indivis des droits patrimoniaux sur l’oeuvre de son père, ne pouvait « faire obstacle ni à la publication, ni au choix de l’éditeur et à la forme de cette publication », mais pouvait uniquement « être associée à la négociation financière du contrat » et percevoir la moitié de la contrepartie financière, la cour d’appel a violé les articles L. 121-2, L. 122-1, L. 132-1 et L. 131-3 du code de la propriété intellectuelle ;

2°/ que la cession d’un bien indivis requiert le consentement de tous les indivisaires ; qu’il s’ensuit que la conclusion d’un contrat d’édition, qui emporte cession des droits patrimoniaux sur une oeuvre de l’esprit, est subordonnée, le cas échéant, à l’accord unanime des co-titulaires indivis des droits cédés ; qu’en décidant du contraire, la cour d’appel a violé l’article 815-3 du code civil ;

3°/ que la cour d’appel a constaté que le codicille du 15 décembre 1994 était rédigé en ces termes : « j’attribue le droit moral à mon fils exclusivement en ce qui concerne la publication et la conservation des manuscrits et des oeuvres déjà éditées» ; qu’en affirmant que M. Michaël X. tenait des dispositions testamentaires en litige, à les supposer valides, le droit de conclure seul un contrat d’édition portant sur les oeuvres posthumes de son père, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, dont il s’évinçait que M. Michaël X. n’était investi à titre exclusif que du seul droit moral, a violé l’article 1134 du code civil ;

Mais attendu que le droit de divulguer une oeuvre, attribut du droit moral d’auteur, emporte, par application des dispositions de l’article L. 121-2 du code de la propriété intellectuelle, le droit de déterminer le procédé de divulgation et celui de fixer les conditions de celle-ci ; que la cour d’appel a relevé, sans encourir le grief de dénaturation, que par dispositions testamentaires Emmanuel X. avait confié l’exercice de ce droit exclusivement à son fils Michaël, ce dont il résultait que ce dernier était seul habilité à décider de la communication au public des oeuvres posthumes de son père, du choix de l’éditeur et des conditions de cette édition ; que par ce motif, et abstraction faite du motif erroné selon lequel Mme Y. aurait dû être associée à la négociation financière du contrat critiqué, la décision de la cour d’appel est légalement justifiée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X., épouse Y. aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille dix.