N° de pourvoi : 03-12159
Publié au bulletin

CASSATION PARTIELLE

M. Ancel, président
M. Gridel, conseiller rapporteur
M. Sainte-Rose, avocat général
Me Blondel, Me Ricard, la SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Donne acte aux sociétés L. et G. du désistement du second moyen de leur pourvoi incident ;

Attendu qu’en 1995 les sociétés L. et G., ci-après les sociétés G., ont commercialisé des foulards reproduisant des pots coloriés surmontés d’une fleur ; que ces motifs étant tirés d’une série de tableaux achevée en 1982 par Gérard X., exposée en 1983 au Musée d’art moderne de la ville de Paris par la société Galerie Y., et éditée en 1991 par la société Y. éditeur, M. Adrien Y. et ces deux sociétés éponymes, ci-après les consorts Y., ont assigné en atteinte à leurs droits patrimoniaux les sociétés G., lesquelles ont appelé en garantie la société M., réalisatrice des dessins ornant les foulards litigieux ; que MM. Lionel et Stéphane X., neveux du peintre, décédé en 1986, et dont le nom était absent des foulards litigieux, ont agi contre les sociétés G. pour la défense de son droit moral ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident des sociétés G. :

Attendu que les sociétés G. font grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré MM. Lionel et Stéphane X., deux des quatre neveux de l’artiste, recevables en leur action, alors, selon le moyen :

  1. que, soumis aux règles ordinaires de la dévolution successorale, le droit moral ne peut être exercé, lorsqu’il est dévolu à plusieurs titulaires indivis, que du consentement de tous, sauf habilitation ou autorisation judiciaire, et qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a donc violé ensemble les articles L. 121-1 du Code de la propriété intellectuelle et 815-3 et suivants du Code civil ;
  2. que la renonciation à succession, en ce qu’elle établit la volonté de l’intéressé à être le continuateur de la personne du défunt, fait obstacle à ce qu’il soit investi du droit moral, et qu’en énonçant qu’une telle renonciation ne produit aucun effet sur la dévolution du droit moral, la cour d’appel a violé les articles L. 121-1 du Code de la propriété intellectuelle et 785 du Code civil ;

Mais attendu, d’une part, que, si le droit au respect du nom se transmet aux héritiers selon les règles ordinaires de la dévolution à cause de mort, le cohéritier a qualité et intérêt légitime à agir seul en défense de ce droit, indépendamment du défaut d’exercice de l’option successorale ; d’autre part, qu’aucune partie n’avait remis en cause devant la cour d’appel les constatations du jugement selon lesquelles il n’était ni établi ni allégué que les deux intéressés eussent refusé la succession de leur père, héritier de l’artiste et lui-même décédé en 1995 ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal de M. Y. et des sociétés Y., pris en sa première branche :

Vu l’article L. 113-5 du Code de la propriété intellectuelle ;

Attendu qu’il résulte de ce texte qu’en l’absence de revendication du ou des auteurs, l’exploitation de l’oeuvre par une personne physique ou morale fait présumer, à l’égard des tiers recherchés pour contrefaçon, que cette personne est titulaire sur l’oeuvre, qu’elle soit ou non collective, du droit de propriété intellectuelle de l’auteur ;

Attendu que pour déclarer irrecevable l’action en contrefaçon dirigée par les consorts Y. contre les sociétés G., l’arrêt énonce qu’ils ne justifient pas être titulaires des droits patrimoniaux de l’auteur ;

Qu’en statuant ainsi, alors que, si M. Y. se prévalait d’une cession nulle en raison de sa trop grande généralité, elle avait relevé que les deux sociétés Y. exploitaient les oeuvres de l’artiste X., l’une par leur exposition à la vente, l’autre par leur reproduction éditoriale, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais uniquement en ce qu’il a débouté les deux sociétés Y. de leur action en contrefaçon et a mis hors de cause la société M., l’arrêt rendu le 26 juin 2002, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société G. et la société M. aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande la société M. ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à a suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille cinq.