N° de pourvoi : 00-20014
Publié au bulletin

CASSATION

M. Lemontey, président
M. Gridel, conseiller rapporteur
Mme Petit, avocat général
la SCP Baraduc et Duhamel, MM. Ricard, Blondel, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :

Vu l’article L. 121-1 du Code de la propriété intellectuelle, ensemble l’article 1174 du Code civil ;

Attendu que l’inaliénabilité du droit au respect de l’oeuvre, principe d’ordre public, s’oppose à ce que l’auteur abandonne au cessionnaire, de façon préalable et générale, l’appréciation exclusive des utilisation, diffusion, adaptation, retrait, adjonction et changement auxquels il plairait à ce dernier de procéder ;

Attendu que MM. X… et Y…, respectivement auteur et compositeur de la chanson « On va s’aimer » ont, par contrat du 1er octobre 1983, cédé aux sociétés Televis edizioni musicali et Allione editore les droits d’exploiter directement et d’autoriser des tiers à utiliser tout ou partie de cette oeuvre, paroles et musique ensemble ou séparément, en thème dominant ou secondaire de fond sonore de films, ou de toute représentation, théâtrale, radiodiffusée, télévisée, publicitaire, ou autre encore, même non mentionnée, avec possibilité corrélative d’ajouts à la partition et modifications même parodiques du texte ; qu’en 1997, à l’issue d’attributions et sous-attributions de gestion des droits faites par la société Polygram Italia, successeur de la société Televis, et d’autorisations et sous-autorisations consenties par la société Allione, ils ont prétendu discerner une contravention au respect de l’oeuvre dans la sonorisation d’un film publicitaire consacré aux restaurants Flunch, utilisant la mélodie de leur chanson, substituant « On va fluncher » à « On va s’aimer », et diffusé sur plusieurs chaînes françaises de télévision ;

Attendu que pour dire licite la renonciation globale et anticipée à laquelle se ramenaient à ces égards les diverses possibilités stipulées à la cession, la cour d’appel a retenu que la clause qui les énonçait, exempte d’ambiguïté, précisait les laisser à l’initiative du cessionnaire, « selon son jugement, qui ne pourra pas être contesté » et prévoyait une contrepartie financière, de sorte que les auteurs avaient défini par avance les limites de l’exploitation de leur oeuvre, et n’aliénant nullement leur droit moral, l’avaient exercé en toute connaissance de cause ; qu’en statuant ainsi, elle a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 28 juin 2000, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Condamne les défenderesses aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille trois.